Vous avez surement déjà lu ou entendu l’expression « pays du soleil levant » pour parler du Japon, mais d’où vient cette figure de style ?
L’explication est simple ! En japonais, « Japon » s’écrit officiellement « 日本国 », qui se lit Nihonkoku. Il s’écrit cependant plus généralement « 日本 », qui se lit Nihon ou Nippon.
Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Et bien l’idéogramme « 日 » veut dire « soleil » et « 本 » signifie « origine ». « 国 » signifie tout simplement « pays ».
« 日本 » peut donc se traduire comme « origine du soleil », ou plus joliment « soleil levant ». Ce qui donne pour « 日本国 » : « pays du soleil levant » !
L’expression « pays du soleil levant » est donc une traduction littérale du mot « Japon » en japonais.
Mais depuis quand le Japon s’appelle-t-il « Nihon » ou « Nippon » ?
Le Japon inférieur à la Chine
C’est parti pour un peu d’histoire ! Au VIe siècle, le clan de la province Yamato domine la plupart des autres clans du Japon, dont les chefs servent à sa cour. Par extension, le Japon de cette époque est ainsi appelé « Yamato ». Cette période de l’histoire du Japon s’appelle d’ailleurs « période Yamato », et plus précisément ici la période Asuka.
La Chine est à cette époque un grand Empire, plus avancé et développé. Son influence sur le Japon est forte. L’écriture, la pensée, et même l’organisation administrative chinoises sont petit-à-petit introduites et assimilées par le Japon.
Le Yamato semble alors vouloir imiter la Chine pour l’égaler.
Car pour les Chinois, les Japonais font partie depuis des siècles des vassaux de l’extérieur de leur pays. Plus précisément, les Chinois appellent le Japon et les Japonais « Wa », qui s’écrit « 倭 ». Ce mot signifie normalement « nain » en chinois, mais dans ce cas, son sens reste imprécis.
Cette situation ne convient pas à la cour du Yamato, qui veut montrer à la Chine que le Japon est à son niveau.
Le soleil levant : un symbole politique
Le prince Shôtoku (574-622), régent de l’impératrice Suiko (et accessoirement son neveu et beau-fils), en est l’un des principaux artisans. Il envoie de nouvelles missions diplomatiques en Chine, avec pour objectif de faire des échanges commerciaux, mais aussi de faire reconnaître le Japon comme un pays civilisé !
Le prince choisit alors de ne pas utiliser le protocole d’infériorité en vigueur à l’époque, et se place sur un pied d’égalité avec la Chine !
Plusieurs sources décrivent cette volonté japonaise, notamment le Livre des Sui, paru en 636 en Chine, et qui décrit l’histoire de l’empire de 581 à 618. Lors d’une mission diplomatique en 607, une lettre du prince Shôtoku remise à l’empereur de Chine indique : « du fils du ciel du pays où se lève le soleil, au fils du ciel du pays où se couche le soleil ».
Le fait que le prince japonais se définisse « fils du ciel » au même niveau que l’empereur chinois aurait provoqué la colère de ce dernier !
D’après le Nihon shoki, paru en 720 au Japon, une nouvelle mission en 608 aurait apporté une lettre du prince mentionnant « l’empereur de l’est à l’empereur de l’ouest ». De nouveau, le prince met l’accent sur la position du Japon par rapport à la Chine.
Le Japon s’appelle Nihon dès l’an 701
Par la suite, un nouveau système de lois est mis en place au Japon. Baptisé ritsuryô et inspiré du système chinois, il est défini en plusieurs étapes. La réforme de Taika est d’abord promulguée en 645, puis le code Ômi en 669, son existence est cependant discutée. Suivent le code Asuka Kiyomihara en 689 et finalement le code de Taihô en 701.
Il semble acquis que dans le code de Taihô le Japon soit présenté sous l’appellation officielle « Nihon » ou « Nippon ». Et peut-être même déjà dans le code Asuka Kiyomihara.
Du VIIe ou IXe siècle, au moins 12 autres missions diplomatiques japonaises se succéderont en Chine. L’Ancien livre des Tang, qui concerne des faits de 618 à 907, en indique le résultat. Il y est en effet écrit que « le pays du Yamato a changé son nom en Nihon » !
Le nom « Nihon » aurait donc été petit-à-petit introduit à partir du VIIe siècle, jusqu’à remplacer les noms « Yamato » au Japon et « Wa » et en Chine.
A noter que le terme « Wa » est encore utilisé aujourd’hui au Japon-même ! Mais avec un autre idéogramme, 和, qui signifie « harmonie ».
Il en est de même pour « Yamato », on parle notamment de « lignée Yamato » lorsque l’on évoque la famille impériale japonaise.
Principale source : Francine Hérail, Histoire du Japon des origines à la fin de l’époque Meiji, Publications orientalistes de France, collection Bibliothèque Japonaise, 1986.
Illustrations :
- Photo du soleil éclairant le torii du sanctuaire d’Itsukushima par Adrien Lemaire.
- Reproduction d’une peinture du Prince Shôtoku avec ses fils du VIIIe siècle tirée de 鑑賞日本名画集 (Kanshô Nihon meigashû), 審美書院 (Shinbi shoin), 1941, via Wikipedia Commons.
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